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Holden Caulfield
14 janvier 2013

Atelier, texte 2

L’homme au bar de l’hôtel prend un whisky, puis un deuxième, comme chaque soir de solitude, sans femme à ses côtés. Avec un verre à la main, il garde contenance. Il n’est plus tout seul, le verre large et puissant est son alter ego. Oui, il trouve ça viril. Comme dans les films, où des hommes invulnérables sifflent des whiskys sans ciller. Perdu dans ses pensées, il garde les yeux rivés sur le comptoir, sans s’en rendre compte. Le barman lui a donné un verre curieux. Il n’est ni carré, ni parfaitement rond. Il y a des dizaines de facettes, des vagues opalescentes, des éclats. Le fond est une masse, un plein translucide. Le verre bien propre, presque lumineux, et son liquide ambré finissent par le faire divaguer. Il imagine un fleuve en Italie, sous un ciel rouge et or, le soir. Les couleurs se reflètent sur l’eau, comme l’alcool sur les parois. Il n’y a pas de son, pas de mouvement. Aucun flot à la surface du fleuve, du verre. Les lumières de la ville sur les quais lui font mal aux yeux, à la tête, ou peut-être est-ce le début de l’ivresse ? À l’horizontal le verre est entièrement transparent. Mais ses bords sont épais, si bien que de haut ils sont opaques. Il préfère des parois solides, c’est plus fiable. Un verre à vin, au contraire, aurait été trop délicat, trop féminin. Il regarde ses mains carrées, larges, qui épousent parfaitement le verre. Il prend une autre gorgée, encore, elle lui brûle agréablement la gorge. Comme ces italiennes aux corps embrasés qui se cambraient sous les caresses. Il ferme les yeux devenus trop lourds de sensations, les rouvre, revient au verre. La partie plus élevée est diaphane, éblouissante, et l’alcool a une couleur tellement belle, un cuivre intense. Il ne songe pas que cette boisson est en train de le rendre fou. Voilà maintenant une heure, peut-être même plus, qu’il est sur ce tabouret de bar à observer un verre. Une femme le rejoint, elle lui demande à quoi il pense.

« C’est ce verre, ce verre de whisky. Il me happe.

-          Vous êtes triste, c’est pour ça. »

Qu’en sait-elle, cette inconnue, s’il est triste ou non. Et puis il y réfléchit. Ce verre est rassurant, oui, quand on est triste. Quelques lignes d’un livre dont il ne peut se rappeler l’auteur lui reviennent en mémoire, « je bois pour oublier ». C’est sûrement ça, cette manie de boire un whisky, à l’heure où l’isolement se fait sentir. Ça lui permet de tout oublier.

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