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Holden Caulfield
8 avril 2013

Les noces.

Elle a découvert une robe de mariée en chiffon dans le grenier. Elle l’a essayée. Il a dit qu’elle était mignonne.

Sur la plage, en début d’après-midi. Ils ont loué une maison minuscule au bord de l’eau. C’est presque une cabane. Il n’y a personne. Le ciel est gris, il pleut en continu, mais il ne fait pas froid. Ils marchent un peu sur le sable, elle a enlevé ses chaussures, elle les porte à la main. Il insiste pour qu’elle les remette, elle va attraper froid. Elle fait semblant de ne pas entendre. Ils sont fourbus, ils décident de rentrer. Elle fait chauffer de l’eau, elle prépare du thé, et elle s’assoit. Lui, il met la radio. C’est une musique douce, un peu désuète. Elle sourit. Il prend une bassine d’eau et une serviette, il lui lave les pieds, remonte jusqu’aux cuisses. Elle est fatiguée alors elle ferme les yeux. Il l’embrasse dans le cou et sur la bouche. Elle sourit encore. Il la porte jusqu’au lit. Il compte les grains de beauté qu’elle a dans le cou et sur le ventre. Ils s’endorment.

Ils se réveillent quand il fait nuit. Il allume le gros poêle en fonte. Il lui sert une tasse de café brûlant. Elle a mis une chemise de nuit blanche, avec de la dentelle. Il la trouve émouvante. Elle est assise sur le lit, appuyée à un oreiller. Elle se dit pour elle-même, et aussi pour lui « Tu sais je n’écrirai plus ». Il ne répond pas, il la regarde simplement. Les flammes font des ombres sur son torse nu. Il a un corps très beau, large et musclé. Il s’approche d’elle, lui caresse les cheveux, met une mèche derrière l’oreille.

-          Tu dis ça maintenant, tu changeras d’avis demain.

-           Je ne suis plus une enfant. Je n’écrirai pas et c’est bien vrai. Je n’y arrive pas. Je reste des heures et des heures devant une feuille, mais ça ne vient plus. Je suis comme vidée, même si j’ai envie d’écrire sur ce que je vis avec toi, sur cette semaine à la mer.

Ils s’allongent.

-          Tu es très belle.

-          Je ne te crois pas.

-          Et pourtant tu es très belle.

-          Tu dis ça à toutes les filles.

-          J’ai envie de t’épouser. Tu me crois là ?

Elle ne renchérit pas. Pour ne pas gâcher l’instant, le plaisir des mensonges. Ils font l’amour, il jouit, pas elle. Il chuchote qu’il l’aime. Au matin, il lui dit « viens » et l’amène sur la plage. Il la serre dans ses bras. De loin, on pourrait croire qu’il n’y a qu’une personne. Il passe ses mains sous sa robe, il continue à l’enlacer, maintenant en touchant sa peau blanche et fine. Ils passent une semaine à cet endroit. Ils se baladent en longeant la mer, où jusqu’au village quand ils ont besoin d’acheter des cigarettes. Ils ne parlent pas beaucoup. Installée dans un grand fauteuil, elle lit des romans fleuves. Pendant ce temps il la dévisage. Parfois il joue avec ses cheveux, ou il essaie de l’embrasser pour la déconcentrer. Le soir, ils écoutent de vieilles cassettes sur un lecteur poussiéreux, en buvant de l’alcool dans des verres de cantine. Ils restent souvent allongés sur le grand lit, à se toucher. Et la semaine passe. Elle doit rentrer, elle a des obligations. Il la raccompagne au train, il préfère rester quelques jours de plus.

Au retour de la gare, il voit la feuille sur la table, la feuille presque blanche. Elle a écrit « les promesses après avoir fait l’amour ne valent rien », au crayon de bois. Elle a raison, mais il a quand même envie de pleurer.

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Commentaires
T
Il y a beaucoup de sensualité dans ce texte, beaucoup de pureté également. Le récit semble appartenir au domaine du neutre, du vide, de l'oubli. L'écriture paraît retranscrire la fuite, et rendre compte de la fragilité de cette parenthèse avant le retour en train. Dans la juxtaposition des propositions, et des actions que tu ne fais qu'effleurer, le temps prend la dimension de l'éphémère, et c'est très beau.<br /> <br /> <br /> <br /> Tout ça pour dire que j'ai beaucoup aimé ton texte. À bientôt et merci.
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