Nuit.

Il fait un froid pénétrant. La mer et le ciel se confondent. Le port est inquiétant dans le gris. Les bateaux ont leurs voiles abîmées. Sarah a les yeux larmoyants à cause de l’air glacial. Elle marche sous le crachin. Le vent s’engouffre sous la robe. Elle frissonne malgré le pull et les collants en grosse laine. Elle ne rentre pas chez elle. Elle file tout droit chez son premier amant. Quand il ouvre, elle le trouve moins beau. Il lui offre un verre, elle le boit sans rechigner, ça la réchauffe. Elle demande des cigarettes, il lui donne un paquet de Camel, elle n’aime pas les Camel. Elle fume deux cigarettes sur le chemin. Elle se rapproche du centre. Elle entre dans le premier bar du port. Elle se dit qu’elle est complètement cinglée d’aller boire un verre toute seule. Elle pense à son vieux pull, à ses collants en grosse laine, à ses cheveux emmêlés. De toute façon elle ne restera pas longtemps.

Le bar est différent. Il y a des habitués sûrement, puisque les conversations vont bon train. De petites tables rondes sont collées au mur. Et au milieu, des couples dansent sur de vieux tubes. Elle se sent rassurée. Les marins borgnes au coup de poing facile ne seront pas pour ce soir. Un type s’approche d’elle. Il doit avoir la quarantaine. Il lui propose de danser, sans préambule. Elle accepte parce que c’est une soirée particulière.

Elle passe le reste de sa nuit à la fenêtre. Elle regarde les étoiles, elle se confond en elles. L’homme a juste mis ses mains autour de la taille de Sarah. A la deuxième chanson, il l’a serrée plus fort. Il lui a dit « autant se foutre dans le pire des pétrins » et il l’a embrassée. Il avait besoin de tendresse. Elle ne sait même pas son prénom. Elle l’appellerait bien Nino, avec son air espagnol. Il pleut à verse. Une partie de son corps est en contact avec la vitre froide. Elle frissonne, mais elle reste quand même. Elle se sent heureuse après cette nuit là. Il ne faut pas dormir maintenant.