Le scarabée.

Elle disait « je vais faire une toilette de chat ». Elle finissait son bol de café ou de thé, selon son humeur, et elle partait dans la salle de bain. Elle laissait la porte entrebâillée. Elle prenait un gant de toilette, l’humidifiait, et le passait sur son visage, son décolleté et ses aisselles. Elle terminait par un peu d’eau de Cologne. Elle en appliquait juste un point derrière chaque oreille, avec son index. En fait, elle avait en horreur tous les parfums. Elle se moquait des mannequins dans les publicités. Elle chantait « oh la la mais qu’elles sont bêtes » sur un air qu’elle avait inventé. Quand elle avait fini, elle revenait dans la cuisine avec une petite serviette accrochée à la taille. Ses seins lourds contrastaient avec sa taille fine. Et puis subitement elle se rendait compte que la serviette ne servait à rien, alors elle la laissait tomber et elle partait s’habiller dans la chambre. Elle avait une conception vraiment particulière de la pudeur. C’est Arthur qui m’a raconté tout ça. Des fois je me demandais si j’éprouvais du désir pour elle. C’était une beauté froide, une femme presque arrogante. Du genre inatteignable. Je ne l’ai pas vu souvent. Nous nous sommes promenés tous les deux, une fois, une après-midi de juillet. Elle m’a raconté l’histoire d’un scarabée doré qu’elle croyait mort. Il gisait sur le tapis du salon. Elle l’avait touché avec son pied, retourné, il restait inerte. Mais quand elle était revenue quelques minutes après, il avait disparu. Je ne comprenais pas pourquoi elle me disait tout ça. Elle ne le savait pas elle-même. Il faisait très chaud ce jour là. Sa robe beige était transparente, on voyait les courbes de son corps, et sa lingerie blanche. Je lui ai avoué qu’Arthur avait une chance incroyable de l’avoir. Au début elle n’a pas répondu. Elle a simplement continué à avancer, en tenant son chapeau à la main. Nous avons marché encore un peu, et elle m’a lancé « Tu pourrais m’avoir aussi ».