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Holden Caulfield
24 juin 2015

Dernière séance.

Elle revient, une dernière fois. Elle va mieux. Elle se le répète plusieurs fois par jour. Mais la méthode Coué a ses limites.

Elle a rencontré quelqu’un de bien.

C’est la dernière fois qu’elle foule la moquette bordeaux, qu’elle attend son tour sur la chaise en teck, qu’elle lit les prospectus 15-25 ans sur les addictions. Elle se revoit il y a deux ans, quand il avait ouvert la porte et l’avait laissée entrer. Il portait une grosse montre fluo en plastique, le genre de montre à la mode, et il avait retroussé les manches de sa chemise. Il avait des lunettes aux branches transparentes. Elle avait trouvé ça franchement moche, tout comme le bureau. Mais, depuis, les meubles avaient changé, et l’ensemble s’était amélioré. Elle regrette toujours l’absence de divan.

 

-          Je ne lui ai rien dit sur mes visites, ici.

-          Pourquoi ?

-          Pas parce que j’avais honte, c’est sûr. Mais c’est tout de même effrayant, pour les autres, d’aller voir un psy. Ça veut dire qu’on a de bonnes raisons.

Elle se frotte les mains, puis reprend en ricanant.

-          De douces névroses, par exemple. Je ne veux pas passer pour la foldingue de service. Je choisis ce dont je dois lui parler. Du temps, de mes lectures, des derniers articles parus dans Télérama. Ce genre de choses. Et ne me dites pas que je m’invente une vie. Je le sais bien. Seulement, j’ai besoin de refaire peau neuve.

-          Et quelle est cette nouvelle vie ?

-          Emmerdante. »

 

Elle a continué pendant quarante sept minutes à parler d’elle. Le temps, c’est de l’argent. Et elle a signé son dernier chèque. Il lui a dit, en guise d’adieu, « vous savez, une psychanalyse, ce serait peut-être mieux pour vous ». Elle a répondu que le principe de dépenser une grosse somme d’argent comme motivation ne lui plaisait pas. Elle a mis ses lunettes de soleil, dans le hall, et puis elle a pris l’ascenseur. Il s’est senti soulagé. Il s’est même payé le luxe de faire attendre son prochain rendez-vous, et a allumé une cigarette à la fenêtre.

 

Elle a passé trois jours chez elle. Elle est peu sortie. Le « quelqu’un de bien » est venu la rejoindre la deuxième nuit. Il a pris soin de son propre plaisir. Il est parti très tôt le matin, sans prendre de petit-déjeuner.

 

Elle avait envie de parler. Elle s’est assise dans le fauteuil du salon, face à un miroir en pied. Elle a croisé les jambes et pris une grande inspiration. Et puis elle a fait la conversation, seule.

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